Patience Phillali Murmures entre les branches et couperet du destin La clairière s'ouvrait comme un tribunal austère
Son téléphone à la main, Hyacinthus arpente la clairière en décrivant des cercles un peu aléatoires, visiblement très concentré sur son écran. Pas ici… Ni là… Par là-bas, peut-être ? Déçu, il revient sur ses pas, recommence en sens inverse. En même temps, ça ne capte jamais des masses au milieu d’une forêt. Et même si c’était le cas, ça ne compte pas pour un parc et on trouve rarement des trucs intéressants dès lors qu’on s’éloigne de toute forme de civilisati- Oh !
« Haha ! »
Avec un sourire victorieux, Hyacinthus bifurque aussitôt sur sa gauche pour bombarder de pokéballs le Phyllali qui vient d’apparaître sur son écran. Au moins il ne sera pas venu pour rien, même s’il ne doute pas que ça soit le cas de base. Lysander n’est pas du genre à faire faux bond aux autres, pas sur les affaires d’importance. Un siècle ne suffirait pas à Hyacinthus pour connaître davantage le professeur d’hébreu tant celui-ci est secret depuis qu’il est sorti de nulle part pour rejoindre le Coven de l’Aulne mais en dix ans, il a déjà pu juger de son sérieux. Il ne lui fait pas entièrement confiance car il n’octroie de toute façon ce privilège à personne mais il sait qu’il peut s’appuyer sur lui, au moins en partie. Et puis il aime bien quand il vient au salon de thé pour corriger ses copies. Sa présence donne tout de suite du cachet à l’endroit et le nombres de clientes s’accroît toujours sensiblement à mesure qu’il s’attarde. Parfois, Hyacinthus a l’impression que c’est tout ce qu’il cherche à être. Un élément de décor auquel on ne fait que peut attention, dont on ne s’approche pas. C’est ce qu’il ressent en le voyant se rétracter chaque fois que quelqu’un fait mine de le toucher du doigt.
Hyacinthus ne jugeait pas son attitude jusqu’à récemment. Jusqu’à ce qu’il disparaisse progressivement des Sabbats et des Esbats, à vrai dire. Pour un Frère Supérieur du Coven, ce n’est pas quelque chose qui passe inaperçu. Il ne lui en a pas parlé tout de suite pour ne pas le braquer d’entrée de jeu mais sa prise de distance ne lui a pas échappée et l’occasion est bien trouvée pour le lui faire savoir, même si ce n’est pas expressément pour cela qu’il l’a convoqué en urgence près de l’autel dans la forêt, moins d’une heure plus tôt. Patient, Hyacinthus continue de chasser les pokémons sur son portable en attendant son arrivée. Il sait qu’il viendra. Et même si ce n’était pas le cas, ce n’est pas comme s’il ne disposait pas d’autres moyens de le rejoindre ou d’entrer en contact avec lui. Ils font partie du même Coven. Ils sont liés, n’en déplaise à Lysander, avec toutes les funestes conséquences que cela peut avoir. Y compris se retrouver subitement à cours de pokéballs dans la forêt, sans pokéstop à proximité.
Son téléphone vibra. D’un œil distrait il l’empoigna, composa un code rudimentaire : 0000, qu’il pensait sécuritaire et ne s’attendait à rien d’autre qu’un de ces nombreux courriels lui offrant d’élargir la taille de sa garde-robe. Pourtant le message qu’il lut fut bien plus intéressant. Hyacinthus, ni plus ni moins que la tête du Coven, l’un des frères supérieurs demandait à le voir. Lysander haussa un sourcil suspicieux, dans la forêt ?... Soit… Il rangea dans une sacoche le peu de matériel qu’il y avait sur son bureau à l’Université et s’en alla dans une direction qu’il ne connaissait que trop bien. Le faux fils des Dahan n’avait pour ainsi dire aucune envie de faire face à cette confrontation, car c’était ce à quoi il s’attendait. Venait-il trop souvent au salon de thé ? Pensait-il que ça allait éveiller les soupçons ? Ou peut-être allait-il lui parler de ses absences plus ou moins récurrentes aux divers rendez-vous et fêtes… Lysander savait que son attitude n’était pas la plus louable, il n’estimait tout simplement pas que sa dévotion devait passé par autant de simagrées. Le monde de la sorcellerie moderne était, après tout, nouveau et très confus pour lui. De son temps les Covens n’étaient ni plus ni moins que des regroupements épars avec une structure toute relative.
Il regarda sa montre, si en dix ans il avait appris une chose c’était bien la ponctualité. L’idée de se créer une montre capable de lui prédire l’heure d’arrivée d’un trajet lui avait traversé l’esprit mais il se disait qu’il s’agissait là d’un enchantement que trop visible. Que diraient les gens en voyant ses aiguilles tournées comme des girouettes ?... L’excuse d’un disfonctionnement ne marcherait pas plusieurs fois. Il emprunta différent chemins, coupant par quelques buissons, ronces, et il se doutait que la forêt le laissait plus ou moins tranquille du fait de sa situation de sorcier. Nombreux étaient ceux qui se perdaient dans ces bois et l’on ne pouvait dénier le fait que parfois il vous jouait des tours. Presque machinalement, le professeur trouva son chemin, au lieu de rendez-vous : Hyacinthus, sur son cellulaire. Lysander se racla la gorge. Il était vêtu comme il était parti de l’Université, ça lui donnait des allures bien sérieuses et complètement décousues par rapport à l’environnement forestier qui s’étendait tout autour d’eux : « Tu voulais me voir, Hyacinthus ? », dit-il d’un ton hésitant, presque candide. Il était toujours dans son rôle d’humain, parfois il avait du mal à faire cette transition.
Est-ce qu’il était suspicieux ? Sûrement. Après tout ce n’était pas dans les habitudes de la tête du Coven de les interpeller de la sorte pour discuter. Chaque rassemblement formel était une chance de plus de se faire découvrir. Pourtant, s’il avait jugé que le risque en valait la peine, alors Lysander ne doutait pas un seul instant qu’il se fût agit – sinon d’une urgence – d’une discussion importante.
Hyacinthus Renfield
Sorcier Frère Supérieur
Mar 5 Mai - 21:36
Les Juges
Patience Phillali Murmures entre les branches et couperet du destin La clairière s'ouvrait comme un tribunal austère
Hyacinthus maugrée dans sa barbe alors que le manque de réseau a finalement eu raison de l’application et fait planter tout son portable lorsque celui qu’il attendait arrive enfin. Il a deviné sa présence, l’a entendu approcher dans les frémissements de la broussaille mais il ne relève la tête vers lui, un sourcil tutoyant les cimes, que lorsqu’il l’entend se racler la gorge pour attirer son attention. Aussitôt, un grand sourire chaleureux éclaire les lignes saillantes de son visage.
« Aaah ! Lysander ! Évidemment que je voulais te voir. Je suis toujours ravi de te voir. Je ne suis pas venu ici pour les Pokémons, sans quoi je l’aurais dans le baba. C’est fou ce que ça capte mal, ici… »
Rangeant négligemment son téléphone dans sa poche, il s’approche de son confrère avec décontraction, comme s’il le rencontrait par hasard dans la rue et ne lui avait pas donné rendez-vous au milieu de la forêt. Ses yeux perçants balaient en battement de cils sa silhouette robuste, la légère raideur de sa posture, la vague inquiétude qui ombre ses traits, familière lorsqu’il doit s’adresser à quelqu’un. Il y a toujours eu quelque chose de fascinant dans son attitude, une dissonance étrange entre sa stature de chêne et la fragilité de son écorce. Parfois, Hyacinthus a l’impression que cette dernière est tournée du mauvais côté. Que c’est le monde qui doit être abrité de ce qui se trouve au-delà. Mais il n’a rien d’autre que de vagues bribes d’instinct pour formuler cette hypothèse confuse même à ses propres yeux. Le plus souvent, ces fulgurances se contentent de lui souffler que Lysander ressemble à une force de la nature déracinée, qu’il y a du roi babylonien dans l’harmonie de son visage et que c’est une fort plaisante image pour décrire la beauté d’un homme. Mais, bien évidemment, ce n’est pas pour lui confier cela qu’il l’a fait venir jusqu’ici.
« Pardonne-moi, nous aurions été bien plus à l’aise au salon de thé mais il y a toujours du monde à cette heure et je voulais que nous puissions nous entendre et nous parler sans craindre les interférences ou les oreilles indiscrètes. »
Surtout après ce qu’il s’est passé, ce qu’ils ont laissé découvrir d’eux par mégarde. Pendant quelques brefs instants, Hyacinthus se contente de l’observer en silence avant de demander d’un ton léger, démenti par la soudaine acuité de son regard.
« Comment vas-tu, Lysander ? »
Que t’arrive-t-il ? Pourquoi ne viens-tu plus aux Sabbats ? Que me caches-tu ?
« Les poke…mon. »dit-il avec peu de conviction. Il en avait entendu parler mais le concept lui échappait, comme beaucoup de chose bien sûr. L’idée de capturer quelque chose pour une durée indéterminée lui avait suffit à ne jamais vouloir en savoir plus. Hyacinthus en revanche semblait être sur son téléphone très souvent, à l’opposé même de Lysander qui était resté au papier et au stylo, sans l’aide de mère il n’aurait sans doute rien appris de tout cela. En soi, il était très content d’avoir opté pour du manuel plutôt que du digital… ça lui semblait – sûrement à tort – plus simple désormais. Aussi avait-il sa mallette, celle-là même qui le suivait partout lors de ses cours, remplies à craquer de devoirs d’étudiants et de stylos. Il adorait les stylos. En fait, à chaque fois que l’un d’eux allait manquer d’encre, il en changeait avant que cela n’arrive et ne le sortait jamais de son sac ‘’au cas où’’. Une manie qui ponctuait donc chaque recherche dans sa sacoche d’un tintement de plastique caractéristique d’un trousse remplie de stylo : « Non, non, ici c’est parfait. » le rassura-t-il. Certes, le cadre était loin d’être idyllique, mais il n’était pas dangereux ou difficile à trouver, pas pour eux en tout cas. Lorsque Hyacinthus lui demanda son état d’esprit, Lysander ne put empêcher une main soucieuse de venir frotter sa barbe : « J’ai--je, heu. ». Pourquoi était-il si mal à l’aise ? Oui, Hyacinthus était le responsable du coven, mais il le connaissait bien. Pourquoi donc avait-il gardé sa condition secrète ? La boule dans son estomac lui rappela cette honte qui s’était insidieusement emparée de lui ces dix dernières années. Peut-être était-il temps de crever l’abcès : « Je sais que mes absences ont été remarquées… avoua-t-il enfin. Même Hana m’en a parlé le mois dernier. C’est juste que… sa moue devint grave mais il afficha un demi-rictus gêné, j’ai parfois des visions qui m’empêchent d’y être… » ; non, il n’admettrait pas que sa vision était tout simplement le fait qu’il allait pleuvoir, ç’aurait été trop lui en demander. Au moins dit comme ça, ça faisait sérieux… Enfin… : « Mais en ce moment, ça va bien. Mieux. Ça va mieux. » se corrigea-t-il, son accent devenait de plus en plus prononcé à mesure qu’il érigeait ses forteresses, comme si le langage lui-même refusait d’en franchir les portes. Lysander ne voulait tout simplement pas faire de mal aux membres du coven, il avait développé une conscience, une humanité, qui le dépassait.
« La vie, ça monte, ça descend. Un peu comme la marée » dit-il en ricanant nerveusement tout en se faisant une note mentale de la fermer au lieu de s'enfoncer de la sorte : « Et toi donc, comment vont le coven, les affaires, la famille ? » ; Noie le poisson Lysander. Noie. Le. Poisson.
Contenu sponsorisé
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Accueil
