Tu claques la porte du centre médical, retenant à peine la colère qui a déjà bien prit possession de toi. T'en avais déjà ta claque d'aller t'occuper des handicapés pendant tes heures de travail, mais fallait qu'en plus ça soit des casse-couilles comme le Dr. Meghan. Ces toubibs qui se prennent pour des dieux, c'était typiquement ce qui te tapait sur le système en congrès, alors s'il fallait en plus les supporter dans des situations qui te mettaient déjà sur les nerfs, très peu pour toi. Au final, t'avais qu'un SMS à envoyer à ton collègue pour l'informer qu'un possible appel puisse lui être adressé concernant ta couverture. Tu préférais éviter d'avoir à utiliser ce genre de recours, mais c'était pas dramatique. Pas de quoi te mettre dans cet état, en tout cas, mais si t'avais été stable, Matthew, ça se saurait.

Un bref regard à ton poignet t'indiques qu'il est un peu tôt pour aller te calmer avec un whiskey, trop tard pour retourner au bureau. Le temps de faire le trajet et de reprendre où tu en était resté plus tôt, il serait presque temps d'aller profiter des bars du quartier nord. Pire timing, cette mission était définitivement signe que t'étais pas touché par cette étrange bénédiction supposée toucher toute la ville.

Faute de mieux, et en accord avec ton humeur exécrable, il ne te restait pas grand-chose de mieux à faire que d'aller t'entraîner. T'avais bien ton couteau balistique dans une pochette dissimulée dans  la doublure de ta sacoche, et ça te ferait pas de mal de te défouler sur un mannequin d'entraînement. Alors tu te débarrasse lâchement de ta veste en arrivant sur place, Matthew, et tu fais couler ta rage avec la sueur, ne t'arrêtant que quand la lame glisse finalement de tes mains pour s'écraser sur le béton du sous-sol de la salle. Ce n'est qu'alors que tu te rends compte de la rapidité de ton souffle et de la tension de tes muscles.

T'as passé plus de temps que prévu là-dedans, au final, et ce n'est finalement qu'aux alentours de dix heures que tu arrives dans le quartier animé d'Eigenlich, après un bref passage par chez toi pour te doucher et adapter ta tenue à la soirée. Chemise noire dont tu avais remonté les manches jusqu'au haut de tes avant-bras, tu gardes tout de même tes précautions en y camouflant une de tes habituelles tranches dans le col bien boutonné jusqu'au cou. T'as préféré ton KM2000 après avoir usé de ton arme habituelle plus tôt dans la soirée, et tu la dissimule autours de ton mollet droit, dans son harnais sons ton pantalon noir comme à ton habitude.  Tu ne pensais pas que tu te ferais à sa présence contre toi, et pendant longtemps, ta marche se montrait bancale quand tu le portait. Avec les années, c'était devenu quelque chose auquel tu t'étais un peu trop bien adapté.

Alors quand tu passes la porte du premier bar de la rue, t'as presque oublié que t'étais armé jusqu'aux dents. C'est un soir normal, Matthew, à l'exception de ta mauvaise humeur. Où est-ce vraiment une exception, vraiment? On a l'habitude de te croiser dans cette zone quand t'as l'air de t'être levé du mauvais pied. Et le fait de changer d'établissement en particulier n'y change pas grand-chose. Tu le sais bien, mais ça ne t'empêche pas de t'asseoir à ce nouveau comptoir. Ca fait pas de mal de découvrir la ville, quand on est fraîchement arrivé. 
L'endroit est plutôt bondé, et tes yeux se perdent dans les visages inconnus. Tu constates assez rapidement que l'ambiance n'est peut-être pas celle que tu aurais aimée pour te changer les idées par ici. L'essentielle de la clientèle à l'air d'être composée d'habitués qui ont déjà formé leurs petits cercles fermés et il y a pas beaucoup de buveurs solitaires comme toi au comptoir. Ton jour de chance, vraiment. Mais avant que tu n'ai le temps de tourner les talons, la barmaid s'approche déjà de toi pour prendre ta commande.

Pff, vous savez quoi? Surprenez-moi. Mais un truc fort, quelqu'un a passé une mauvaise journée.

Tu sens un brin de malice dans sa façon de sourire, de se déplacer jusqu'au bar. T'avais pas fait attention à elle jusqu'à présent, mais la serveuse avait un petit quelque chose dans son regard, une étincelle qui allait peut-être illuminer ta soirée. Elle fait glisser l'un après l'autre les verres à shooters et déjà, tu sens qu'elle a l'habitude de ce qu'elle fait. Professionnelle mais provocante. Sûrement habituée à de bons  pourboires. Alors tu n'es que moyennement surpris quand elle s'accoude sur le comptoir, laissant la ligne de sa clavicule guider ton regard jusqu'à son décolleté pendant qu'elle terminait son premier verre.  Tu l'accompagnes bien sagement dans sa consommation, menant le verre à tes lèvres souriantes avant de le ramener dans un geste brute à la table pendant que l'alcool se frayait un chemin brûlant dans ta trachée.

Ahh, j'avais pas bu de vodka depuis cette cuite cuite en fin de Master.

Le goût frais mais âpre de la liqueur t'avait manqué, et tu te réjouissais de retrouver cet arôme nostalgique malgré ta promesse de l'époque de faire définitivement une croix dessus. Le temps avait bien assez coulé depuis pour laisser à l'alcool russe une seconde chance.

Alors beau blond, raconte-moi. Il s'est passé quoi aujourd'hui pour vous rendre d'aussi mauvaise humeur?

Tu soupires, sans pour autant vraiment avoir l'air ennuyé. T'es plutôt hésitant à engager ce genre de conversation qu'autre chose, à vrai dire. Pas que l'envie de râler te manque, bien au contraire - tu pourrais pesterais sur la jeune doctoresse toute la soirée-, mais tu n'avais pas envie d'affliger la jolie demoiselle de l'autre côté du bar. Elle avait, certes, déjà dû en entendre plus d'une fois, des gars comme toi qui venaient déblatérer leur journée à son oreille faussement attentive, mais t'avais justement aucunement l'intention d'être juste un autre gars. Je veux dire, elle était visiblement ta meilleure chance d'égayer ta soirée, et son comportement laissait deviner un certain intérêt au moins superficiel qui jouerait définitivement en ta faveur.

Des histoires de travail, probablement pas moitié aussi intéressantes que ce que t'as déjà dû entendre au comptoir.

Haussement d'épaule, nouveau verre sous tes doigts, tu préfères te délier un peu avant de prendre la parole. C'est une bonne excuse pour déblatérer des conneries, il faut dire, et c'est pas comme si t'avais pas de quoi consommer sous les yeux.

Basiquement j'ai rendu un service malgré le fait que ça me mette dans une situation difficile, et la personne que je suis allé aider m'a complétement manqué de respect.

A ton tours de t'accouder sur le rebord de la table, maintenant, t'avançant lentement vers la jeune femme qui te fait face. Tu n'as pas peur de plonger tes iris dans les siennes de façon prolongée, ce petit rictus fixé sur ton visage.

Mais je suis sûre que tu dois avoir des anecdotes bien plus croustillantes à raconter qu'un rat de laboratoire qui se fait envoyer chier en essayant de faire remplir à une malade son questionnaire médicale.

Tu fais glisser un gobelet jusqu'à la jeune femme du bout de tes ongles, sans pour autant interrompre ton regard par autre chose que les clignement réguliers de tes paupières.

Je suis sûre que tu peux trouver quelques trucs à raconter pour amuser quelqu'un qui a cruellement besoin de se changer les idées.

Seulement un verre pour tous les secrets de ma clientèle? J’espère que tu comptes monter les enchères un peu.

Tu dessines une moue boudeuse sur tes lèvres quand elle fait mine de rechigner. Au fond, t'es à peu près sûr du fait qu'elle ne fait que jouer avec toi. L'éclat dans ses yeux te semble tout du moins un indice suffisant pour supposer que tu n'aurais pas grand-chose de plus à faire pour convaincre la jolie brune de te dévoiler quelques secrets de bar. Et idéalement, quelques un qui puisse te donner des indices sur d'éventuelles sorcières à traquer un de ces quatre.

Bon, ok. Un shot, une info.

Ton sourire s'écarte à nouveau dès que tu l'entends craquer. Le deal te paraît équitable, alors tu te contente d’acquiescer, curieux de ce que tu pourrais apprendre. Autant mêler l'utile à l'agréable. L'agréable, disons-le, c'était le souffle de la serveuse qui venait se glisser contre ton oreille. L'utile, en revanche, il n'était pas au rendez-vous pour cette première tentative. Tu n'en laissais pourtant en rien trahir ta déception sur ton visage, préférant répondre avec un rictus amusé par l'anecdote.

Pas très glorieux, en effet.

Mai tu t'attendais pas à beaucoup mieux du concerné, il faut dire. Boire son alcool bon marché, seul, déjà bien éméché en début de soirée, ça ne pouvait pas être une histoire bien reluisante. Cela dit, tu t'en délecte quelques instant. La misère des autre à tout de même quelque chose d'amusant à tes yeux, alors tu descend un verre de vodka à la destinée pitoyable de l'inconnu du fond de la salle.

Et c’est pas le plus croustillant. Mais l’alcool délie les langues il paraît.

Trop tôt pour dire que t'as pas besoin de plus d'alcool pour délier ta langue ailleurs? Oui, probablement. Alors tu la garde pour l'instant dans ta poche et glisse un nouveau verre, comme promis, la la jeune femme qui te fait face. C'est déjà plus de la moitié des conso qui ont disparu en peu de temps, et tu commence à en sentir les effets. La chaleur qui brûle ta gorges et commence à chauffer ton visage. C'est ce que tu cherchais en venant, après tout. Machinalement, tu tires sur le col de ta chemise à la recherche d'un peu d'air avant de renchérir.

Je suis à peu près sûre que tu n'es pas censé boire tout ça en service, mais un deal est un deal.

Tu te tournes, faisant dos au bar pour observer les gens au table derrière toi. L'ambiance semble toujours la même, un peu inaccessible pour un nouvel arrivant, mais t'es pas censé être arrivé si récemment. T'es passé par un chemin un peu trop peu conventionnel pour rejoindre Eigenlich après la fermeture des portes de la ville. Alors quitte à payer tes infos en boissons, t'essayes au moins de les diriger où ça t'intéresse.

La jeune femme, là-bas, commences-tu en désignant ta cible d'un signe de tête, tu sais quoi d'elle?

Tu diriges à nouveau ton regard sur l'anglaise pendant que tu croises les bras sur le comptoir en t'inclinant un peu plus près d'elle. T'as envie de jouer un petit peu; tâter un peu le terrain aussi.

C'est clairement la plus jolie cliente, tu ne trouves pas?

Tu commences avec un petit air intéressé. On changera pas ton attrait pour les rouquines, hein, mais c'est aussi la façon dont son haut s'arrête pile à l'endroit où tu y trouvais habituellement la Marque qui t'intrigue.

Ca reste seulement la seconde plus jolie du bar, mais il paraît que c'est malpoli de draguer les demoiselles pendant leur travail.