Il est né des cendres d’un pays ruiné, bercé par la misère et la pauvreté. Il est né sans nom, rejeton abandonné.
Il a grandi à l’orphelinat où régnait une terrible et simple loi, la loi du plus fort. Enfant désoeuvré au milieu d’adultes débordés, il a appris à se débrouiller, s’inspirant des plus grands pour s’adapter à cet univers indifférent. Gamin trop vite grandi, trop vite endurci. Il s’est vite retrouvé affublé d’un fardeau au grand coeur, d’une petite soeur. Raphaël, d’ange elle n’avait pas que le nom, elle était trop pure, trop douce pour ces bas fonds. Et il s’est laissé à rêver, rêver d’un avenir meilleur à ses côtés. Pas après pas il a arpenté la route de l’espoir bercé de douces et trompeuses illusions. Tout était bon pour elle, elle et son amour qui rayonnait comme un soleil. Il a été aveuglé, arrogant gamin qu’il était, il voulait le monde à ses pieds pour le lui offrir comme un collier. Il s’est drapé de mensonges pour lui procurer le plus beau des songes, se voilant la face et justifiant ses actes. Mais tout rêve a une fin…
Une main pas assez prestement enlevée, pris sur le fait, le vol à la tir a mal tourné. Et cette fois-ci la victime n’en est pas une et les coups pleuvent en représailles. Une constellation se crée sur sa peau, une myriade de contusions. Et bientôt il ne sent plus son bras droit, ce jour là il l’a utilisé pour la dernière fois. La sirène de l’ambulance retentit et il sombre dans l’oubli. Il a perdu une partie de lui, mais il ne peut l’expliquer, il ne peut l’avouer à Raphaël. Alors il prétexte un accident, un simple et banal accident de la route comme il s’en produit des milliers chaque année. La douleur le hante encore, mais il ne peut s'en prendre qu'à lui. Il essaie de s'habituer à ce nouveau membre étranger, pièce rapportée, cruel rappel du prix à payer pour ces péchés. Mais il ne s’arrêtera pas là, non, pas tant qu'il ne sera pas certain qu'ils vivront en paix.
Il essuie ses larmes, effleurant délicatement sa joue dans un geste de réconfort. Il n’aime pas la voir pleurer,mais il ne peut rien y changer. Il a fuit pendant trop longtemps et ils ont finis par le retrouver parce qu’il ne pouvait se résoudre à l’abandonner. Il lui sourit, il sait qu’il a perdu, c’est la simple et implacable réalité.
“ Faites entrer l’accusé ! “, on le pousse vers l’entrée, l’heure du jugement a sonné.
Il ne s’en sortira pas, pas cette fois,mais il a déjà accepté ce fait. Au moment où il avait participé à ce braquage il savait qu’aucun retour en arrière ne serait possible. Il avait largement eu le temps d’y réfléchir lors de ces deux années de fuite durant lesquelles il avait emprunté une nouvelle identité. Les vols de rue en plus de son petit boulot étaient bien assez pour leur offrir une vie décente aux Etats Unis, mais il avait voulu plus, il avait péché par excès.
“ Tout va bien se passer, tu verras “, il ment, comme il l’a toujours fait, il sait très bien de quoi il est accusé et il ne pourra en réchapper. Il a vingt ans, il n’est plus un enfant et aucune pitié ne lui sera montré.
“ Vous êtes accusés de vol à la tire, de vol de coffre-fort et d’homicide involontaire,avez vous quelque chose à dire pour votre défense ? “
Peu importe ce qu’il pourra dire ou bien ce que pourra sortir son avocat commis d’office, les preuves sont là, il est coupable. Et les sanglots qu’il entend au milieu du brouhaha causé par le jugement lui déchirent le coeur plus que la sentence en elle-même. Il n’est plus en mesure de la protéger, ni même de vivre à ses côtés, tout est fini.
Deux ans de prison, deux années qui lui rappelle la dure loi de l’orphelinat. Ses combats se finissent souvent couverts de contusions. L’odeur de la violence sature l’atmosphère et il se laisse intoxiquer, pour ne pas se faire dévorer. L’enfer, il l’a trouvé.
Les visites de Raphaël étaient son seul moment de tranquillité, loin de l’agitation de la prison. Il avait finit par lui avouer toute la vérité, elle avait pleuré, beaucoup, se rendant compte de son ignorance, de tous les mensonges qu’il avait proféré, mais elle avait finit par accepter. Il n’était pas pardonné, mais ils allaient essayer de réparer leur relation brisé.
Il avait fini par être recruté par les traqueurs, il leur devait la liberté ainsi qu’une complète loyauté. Au fond il se fichait un peu de toute cette histoire de sorcière, seule la douce promesse d’un échappatoire l’avait tenté. Il avait accepté toutes les conditions qui lui avaient été imposé et il savait que jamais il n'oserait les défier.
Il suivit les deux ans de formation requis,il savait déjà se battre, il n’avait qu’à s'adapter à un type d’adversaire différent, plus puissant. Il remplaça sa prothèse classique par une prothèse métallique, mieux taillée pour le combat.
Et il se révéla plus doué au premier abord qu’on ne l’aurait cru,il refusait d’échouer, Raphaël avait encore besoin de lui. Il n’avait même pas le droit de songer à s’échapper, il avait choisi entre la peste et le choléra et il ne pouvait que continuer sur cette voie qu’il avait lui-même tracé. Il ne voulait pas disparaître comme ça.