Aucun regard à la salle du salon de thé et Hana se dirigea vers les escaliers menant aux étages pour rejoindre son appartement au plus vite. Elle en avait marre. Marre de cette journée, marre de cette semaine, marre de tout. Pourquoi fallait-il que chaque Esbat la mette dans cet état ? Pourquoi fallait-il qu’elle soit née deux jours après Ostara ? Ce n’était pas juste. Il lui arrivait parfois de penser que sa mère avait calculé cela. Peut-être même qu’elle aurait été capable d’accoucher le jour même du solstice s’il avait su comment déclencher son accouchement avant. La jeune femme jeta son sac dans un coin du couloir, laissa tomber les clés dans le vide poche et se laissa tomber sur le canapé avec un gros soupir de soulagement, enfouissant son visage dans les coussins et faisant fuir Sépia qui y dormait.
Cette journée avait été un vrai calvaire. Elle avait commencé par louper son réveil et par arriver en retard au rendez-vous avec ses amies après avoir dû courir jusqu’au centre-ville à cause de son vélo crevé. Comme Hana était prise le soir, elle avait passé la journée avec ces dernières mais elle regrettait de ne pas être restée au lit. Sa bouteille d’eau mal fermée s’était répandue dans son sac à main et elle avait mis un moment à tout essuyer comme elle le pouvait. Heureusement, à ce moment-là, son portable était dans sa main. La petite brasserie où ils étaient allés manger leur avait servi des plats qui laissaient sérieusement à désirer et elle n’avait absolument rien trouvé dans les magasins où ils s’étaient arrêtés. Sans parler de ce groupe de mecs absolument odieux qui leur avaient fait des avances. Pour finir, un abruti de chauffeur avait roulé dans la flaque d’eau à côté d’elle sans faire attention.
« Et merde ! »
Hana se releva d’un seul coup pour constater que son jean trempé venait de laisser des traces sur son canapé.
« Raaaah ! »
Elle jura et se dirigea vers la salle de bain en se déshabillant sur le chemin, jetant ses vêtements sur le sol avant d’entrer dans la douche. Cet anniversaire promettait d’être nul. Cette journée l’avait déjà été et elle avait presque peur de la soirée. Comme tous les ans, elle sortait au restaurant avec Hyacinthus mais pour la première fois, elle se demanda s’il ne valait pas mieux rester dans le canapé à manger des bonbons et des cookies en regardant une comédie. Non, elle ne pouvait pas faire ça à son frère. Il se faisait toujours une joie de l’inviter au restaurant. Elle avait encore le temps de se détendre et de se remettre de sa journée. Tout irait bien.
Trente minutes plus tard, la jeune femme était habillée, coiffée et légèrement maquillée, assise en tailleur sur le canapé à lire un Webtoon sur son portable en buvant un thé glacé et en caressant Salem venue se blottir entre ses jambes. Hyacinthus ne devrait pas tarder à fermer le salon de thé et à monter la chercher.
Hyacinthus Renfield
Sorcier Frère Supérieur
Mer 6 Mai - 15:07
Sans toi, je pleurerais
Anniversaire Sushis Vie en rose, humeur grise et soirée pastel
Du coin de l’œil, Hyacinthus capte le mouvement dans le couloir discret qui passe derrière le comptoir et mène aux appartements. Un mouvement bouclé et furibond qui grimpe les escaliers au pas de charge alors que l’après-midi touche à sa fin. Il lève un sourcil et jette un coup d’œil entendu à la petite jacinthe en pot posée sur le comptoir.
« Hm. Une charmante soirée en perspective. »
Commente-t-il à voix haute en se replongeant des deux pouces dans son jeu de cuisine, dressant des sorbets et assiettes de spaghettis aussi vite que possibles pour les innombrables clients qui se pressent dans son téléphone, à défaut de le faire en réalité. Tant mieux, il préfère largement ça que l’inverse. Le samedi est souvent une journée très chargée et il n’aime pas se presser pour servir les gens. Il est bien content qu’Orzsàk soit là pour le faire tandis qu’il se contente de préparer les théières et de tenir la caisse. Aujourd’hui en particulier, il est hors de question qu’il s’épuise. C’est un jour très spécial.
Ostara est passé depuis deux jours. La cérémonie s’est passée à peu près aussi bien qu’on pouvait l’espérer en ces circonstances tendues dont il se passerait bien. Cela signifie trois choses : que sa sœur fête son anniversaire, qu’il n’aura pas de compte-rendu tout de suite et surtout qu’elle est d’une humeur massacrante, comme toujours après un Sabbat en général et cet Esbat en particulier. Hyacinthus pince les lèvres en recommençant le dernier niveau parce qu’il lui manque dix pièces pour améliorer son four. La pauvre enfant… Il comprend, quelque part. Depuis qu’il a pris le relais de Margaret, il a largement eu le temps de se rendre compte que sa petite sœur, non content de n’être pas très douée dans les arts sombres, veut de moins en moins s’en mêler. La sorcellerie use sa patience aussi bien que sa confiance en elle. Elle n’est jamais bien loin de se mettre en colère lorsqu’elle doit y avoir affaire, de près ou de loin. Hyacinthus ne lui en tient pas rigueur. Au contraire, à vrai dire.
Tant mieux si Hana n’aime pas la sorcellerie. Tant mieux si elle se tient éloignée des affaires du Coven, en dehors des comptes-rendus qu’il lui demande de tenir. Tant mieux si sa vie ressemble quasiment en tout point à celle d’une humaine, qu’aucune de ses actions n’est susceptible de la placer un jour sur la route d’un traqueur. Tant mieux… Il est là pour s’occuper du reste, de toute façon.
Une fois la fermeture faite, Hyacinthus remonte donc dans son appartement pour se changer, prendre une rapide douche sous le regard fasciné de Cuchùlainn et enfiler, pour l’occasion, chemise et veston. Tout en peignant ses cheveux et en maquillant trèèèès légèrement ses yeux, il chantonne et caresse les chats qui viennent déjà mendier leurs parts de croquettes et d’attentions. Il a réservé pour 20h30. Son cadeau est prêt. Et il sait exactement comment faire oublier à sa petite sœur chérie toutes ses contrariétés de la journée.
« Quaaaaand il me prend dans ses braaaaas Et me paaaaarle tout baaaaas Je vois la vie en roooooooseuh... »
La voix de Hyacinthus est, de base, belle et chaude, très agréable à écouter. La logique voudrait que ça soit toujours le cas lorsqu’il se décide à pousser la chansonnette mais ce n’est pas parce qu’on a un bel outil qu’on sait nécessairement s’en servir au mieux. Tant pis. Au moins, ça amuse la galerie. Il compte sur ce fait lorsqu’il rejoint Hana dans l’appartement du dessus, la rejoint dans son salon et attrape Salem pour se mettre à danser avec elle, sans se soucier des poils de chats dont elle recouvre son manteau.
« Iiiiiil me dit des mots d’amouuuuuur Des mots de tous les jouuuuurs Et ça fait quelque chooooooseuh… »
La vieille chatte décide rapidement qu’elle en a assez et se dégage des bras de Hyacinthus en miaulant avec irritation. Le sorcier en profite donc saisir délicatement la main de sa sœur et se pencher dessus pour y déposer un baiser, dans un geste révérencieux et grandiloquent. Depuis qu’ils vivent tous les deux, il a toujours compté sur ses pitreries pour lui rendre le sourire. En général, ça fonctionne.
« Je vais continuer de chanter jusqu’à ce que tu retrouves ta bonne humeur. Ou que tu me fasses taire. Mais avant qu’on nous chasse du restaurant, promis. »
Ce Webtoon était absolument fascinant. Comme la plupart des histoires qu’elle se mettait à lire sur cette application, c’était une romance. Il mettait en scène une jeune femme et un fantôme qui vivait dans son appartement quand elle s’y était installée. Le dessin était vraiment très joli, l’auteur parvenait à glisser des sous-entendus grivois sans que ça paraisse vulgaire et l’histoire était bien ficelée. Hana en était à la moitié des chapitres déjà sortis quand elle entendit des pas dans l’escalier menant à son appartement, suivis très rapidement d’une voix chantante. D’abord surprise, elle finit par sourire en voyant son frère entrer. Même s’ils habitaient dans deux logements différents, venir chez l’un ou l’autre se faisait assez naturellement. En temps normal, elle détestait qu’il entre sans frapper mais aujourd’hui n’était pas un jour comme les autres. Après tout, elle savait qu’il allait venir d’une part et d’autre part, sa bonne humeur était contagieuse.
Reposant sa tasse de thé aux trois quarts vide sur la table, elle observa Hyacinthus virevolter avec Salem dans les bras, qui finit par en avoir marre et s’échappa en miaulant, outrée. Il vint ensuite vers elle et attrapa sa main entre ses doigts pour y déposer un baiser. Malgré la mauvaise humeur accumulée durant la journée, il lui était impossible de ne pas sourire puis de rire face à l’air goguenard de son aîné, visiblement ravi de son petit effet. Sans qu’elle ne sache comment, son frère avait repéré son irritation rapidement et était parvenu à la faire s’évaporer en partie.
« Le jour où je trouverai le moyen de te faire taire, il pleuvra des grenouilles et la fin du monde s’abattra sur nous. »
La jeune femme quitta le canapé et défroissa sa robe. Pour ce soir, elle avait tout de même fait un effort vestimentaire. Son frère, lui, était toujours très classe alors elle faisait toujours en sorte de lui faire honneur. C’était sûrement inconscient, mais elle détestait être mal habillée quand elle se trouvait avec lui.
« Il faudra quand même que tu me dises comment tu fais pour chanter si faux. La dernière fois, je suis sûre que le patron du karaoké aurait pu nous mettre à la porte pour ça. C’est dangereux, tu sais ! »
Elle le charriait évidemment, Hyacinthus ne chantait pas si mal que ça, même si elle pouvait se vanter d’avoir un meilleur timbre de voix que lui. Il fallait bien qu’elle soit meilleure dans un domaine après tout.
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